Le noeud de vipère, Francois Mauriac (1932)

Résumé (Karla Manuele)

De la haine, de la colère, de l'aigreur : voilà tout le fiel dont dégouline le cœur du vieil homme qui meurt, et qui décrit celui-ci comme un "nœud de vipères [...] saturé de leur venin". Vingt-trois ans de haine silencieuse qui éclate dans la lettre qu'il laisse à sa famille : l'heure est venue de régler les comptes. D'accuser et de punir : vingt-trois ans plus tôt donc, il avait cru faire un mariage d'amour avec Isa, demoiselle Fondaudège, en même temps qu'il accédait enfin à la reconnaissance sociale. Mais très vite, Isa l'avait détrompé : elle avait épousé l'argent, et non l'homme. De là était née une haine permanente et indélébile : toute sa vie, il avait abominé chacun des membres de cette famille, jusqu'à ses propres enfants, qui le lui avaient bien rendu. Et à présent, il allait leur faire payer toutes ces années, en les privant de l'héritage sans lequel ils ne pourraient pas vivre.
Récit d'une vengeance, récit d'une âme noire : Mauriac nous livre une fascinante autopsie du cœur humain.

Découverte d'un auteur
(Source photo)

Dans cette œuvre qui suit les dernières années de la vie d'un vieillard, aigri, avare par passion et peu aimé par sa famille, grâce à un journal écrit pour soulager sa conscience, on est plongé dans l'esprit tortueux du narrateur. Mauriac réussit, le temps de la lecture, à nous transporter en région bordelaise, dans une demeure où les histoires de famille et les drames flottent silencieusement dans l'air.
Je ne connaissais pas la plume de Mauriac, et c'est le premier de ses livres que j'ai l'occasion d'avoir entre les mains ; une très bonne surprise, une écriture fluide, une fin originale, des personnages humainement réalistes, et puis des tournures de phrase frisant avec la perfection.
Extraits choisis:

"Je me hâtais de déplaire exprès par crainte de déplaire naturellement."
"Envier des êtres que l'on méprise, il y a dans cette honteuse passion de quoi empoisonner toute une vie."
"Tu avais d'ailleurs cette insolence de ne jamais regarder les autres, qui était une façon de les supprimer."
"...et parfois le vent imitait, dans les frondaisons, le bruit d'une averse."
"La lune, à son déclin, éclairait le plancher et les pâles fantômes de nos vêtements éparses."
"Les étoiles de l'aube palpitaient encore."
"Le silence est une facilité à laquelle je succombe toujours."
"L'épaule de collines soulevait la brume, la déchirait. Un clocher naissait du brouillard, puis l'église à son tour en sortait, comme un corps vivant."
"Vous ne pouvez imaginer ce supplice : ne rien avoir eu de la vie et ne rien attendre de la mort." (la
vieillesse)
"On ne peut tout seul garder la foi en soi-même."
"Les femmes ne se souviennent pas de ce qu'elles n'éprouvent plus."
"Il n'avait pas le sentiment de la nature parce qu'il était la nature même, confondu en elle, une de ses forces, une source vive entre les sources."
"Deux vieux époux ne se détestent jamais autant qu'ils l'imaginent."
"A travers le vitre où une mouche se cogne, je regarde les coteaux endormis."
"Vous pouvez me vomir, je n'en existe pas moins."
"Une certaine qualité de gentillesse est toujours signe de trahison."
"Nous ne savons pas ce que nous désirons, nous n'aimons pas ce que nous croyons aimer."
"La prairie est plus claire que le ciel. La terre, gorgée d'eau, fume, et les ornières, pleine de pluie, reflètent un azur trouble."
"J'ai été prisonnier pendant toute ma vie d'une passion qui ne me possédais pas. Comme un chien qui aboie à la lune, j'ai été fasciné par un reflet."
"Mais aujourd'hui, je suis un vieillard au cœur trop lent, et je regarde le dernier automne de ma vie endormir la vigne, l'engourdir de fumée et de rayons."
"Nous ne voyons que ce que nous sommes accoutumés à voir."
"Le brouillard était sonore, on entendait la plaine sans la voir."

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