La Père Goriot, Honoré de Balzac (1835)


Tout le génie de Balzac ...

Le Père Goriot est une ode cruelle à l'amour paternel, un récit balzacien qui, malgré quelques longueurs pouvant décourager le lecteur, nous tient en haleine jusqu'au dramatique dénouement, un avertissement au don de soi à ses enfants, une leçon de vie.

La plume d'Honoré de Balzac est ici au plus près de son génie. Le lecteur a la sensation d'observer la psychologie des personnages à la loupe littéraire.

Rastignac, l'étudiant naïf qui plonge dans la vie parisienne ne sera pas déçu du voyage. Les terres qu'il foule sont peuplées de créatures mauvaises, habitées par le désir de plaire, de se pavaner sur les planches de la belle société, de paraître. Quelles leçon tirera-t-il de son séjour chez la mère Vauquer ?

Vautrin, fascinant homme à deux visages, qui prend l'étudiant docile sous son aile malhonnête et qui semble admirable.

Enfin, le Père Goriot, que l'on imagine dévoré par l'amour qu'il porte aux deux anges de sa vie, Delphine et Anastasie.

Et comme à l'habitude, autour de ces quelques personnages centraux, une calèche entière d'hommes et de femmes profondément marqués par le cruel fer rouge de la condition humaine.

Un grand roman, pièce essentielle de la Comédie humaine.


Choix d'extraits :

"Une larme roula dans chacun de ses yeux, sur la bordure rouge, sans en tomber"
"Ah, quand vous étiez petites, vous étiez bien heureuses. - Nous n'avons eu que ce temps là de bon, dit Delphine."
"Jusqu'alors il n'avait même pas complètement secoué le charme des fraîches et suaves idées qui enveloppent comme d'un feuillage la jeunesse des enfants nés en province."

Gobseck et autres récits, Honoré de Balzac (1830)

 

 C'est ce que j'aime chez Balzac... 

Une plume découverte bien tardivement, celle d'Honoré (de) Balzac. J'ai dû lire La Peau de Chagrin au collège ou au lycée mais je n'ai jamais pris la peine de faire connaissance avec l'auteur.
Le curé de village fut mon premier coup de coeur, puis La Recherche de l'absolu vint illuminer ma vie de lecteur. Il est et restera sans doute "mon préféré". La première nouvelle de ce grand écrivain qu'il m'a été donnée de lire fut Le Colonel Chabert. Il est bien sympathique ce soldat d'outre-tombe qui revient dans le monde des vivants pour réclamer son dû. On s'y attache un peu malgré nous.
Mais Gobseck est, parmi ceux que je connais, le personnage balzacien le plus fascinant. Il chérit l'or, l'argent pour ce qu'ils représentent, le pouvoir. On pourrait presque déceler dans cette nouvelle la description d'un personnage fantastique. L'écriture de Balzac n'y est sans doute pas étrangère.
Qui a l'or a le pouvoir.
Un portrait de Gobseck :
« Cet homme singulier n'avait jamais voulu voir une seule personne des quatre générations femelles où se trouvaient ses parents. Il abhorrait ses héritiers et ne concevait pas que sa fortune pût jamais être possédée par d'autres que lui, même après sa mort. Sa mère l'avait embarqué dès l'âge de dix ans en qualité de mousse pour les possessions hollandaises dans les grandes Indes, où il avait roulé pendant vingt années. Aussi les rides de son front jaunâtre gardaient-elles les secrets d'événements horribles, de terreurs soudaines, de hasards inespérés, de traverses romanesques, de joies infinies : la faim supportée, l'amour foulé aux pieds, la fortune compromise, perdue, retrouvée, la vie maintes fois en danger, et sauvée peut-être par ces déterminations dont la rapide urgence excuse la cruauté. Il avait connu M. de Lally, M. de Kergarouët, M. d'Estaing, le bailli de Suffren, M. de Portenduère, lord Cornwallis, lord Hastings, le père de Tippo-Saeb et Tippo-Saeb lui-même. Ce Savoyard, qui servit Madhadjy-Sindiah, le roi de Delhy, et contribua tant à fonder la puissance des Marhattes, avait fait des affaires avec lui. Il avait eu des relations avec Victor Hughes et plusieurs célèbres corsaires, car il avait longtemps séjourné à Saint-Thomas. Il avait si bien tout tenté pour faire fortune qu'il avait essayé de découvrir l'or de cette tribu de sauvages si célèbres aux environs de Buenos-Ayres. Enfin il n'était étranger à aucun des événements de la guerre de l'indépendance américaine. Mais quand il parlait des Indes ou de l'Amérique, ce qui ne lui arrivait avec personne, et fort rarement avec moi, il semblait que ce fût une indiscrétion, il paraissait s'en repentir. Si l'humanité, si la sociabilité sont une religion, il pouvait être considéré comme un athée. »
Les autres nouvelles sont également intéressantes et méritent que l'on s'y attarde :
Maître Cornélius et Facino Cane tournent aussi autour de la fascination pour l'argent.
Adieu est un récit bien plus singulier qui mêle à l'amour la folie la plus mystérieuse.
La lecture de ces quatre nouvelles fut pour moi un florilège de moments singuliers, précieux car parfois insaisissables et toujours envoûtants.
Je ne peux que vous inciter à prendre quelques heures pour vous plonger dans ces courts récits !

Ebooks 
Gobseck
Maître Cornélius
Facino Cane
Adieu (payant)

Le colonel Chabert, Honoré de Balzac(1844)

Le Colonel Chabert- Honoré De Balzac / Dessin de Bertall.


Les morts et les vivants

L’immersion dans l’œuvre balzacienne nous fait rapidement comprendre pourquoi il est et restera un très grand écrivain. Ses romans et ses nouvelles nous plongent dans un passé décrit avec justesse. Il n'omet pas le contexte et prend toujours grand soin au « plantage du décor ». Le lecteur n’a aucun mal à faire évoluer les personnages dans son esprit, à les imaginer conversant, s’aimant ou se haïssant.
Le Colonel Chabert ne fait par exception à cette règle. Il s’agit d’une nouvelle qui illustre l’ironie du sort face à la mort, aussi honorable qu’elle puisse être. Un homme tombe sur le champ d’une grande bataille. Mais contre toute attente il revient pour ainsi dire à la vie. La grande faucheuse, coquine dans le cas présent, le laisse esseulé, démuni et blessé. Ni nom, ni argent, ni reconnaissance.
Comme à son habitude, Balzac nous peint des personnages aux traits de vérité, pétris dans le moule d’une profonde humanité même si dans ce cas ils manquent parfois de profondeur d’esprit. Ne vous fiez pas aux premières pages un peu indigestes à mon goût, car une fois montés dans le train de l’histoire vous ne descendrez plus.
Le Colonel Chabert n’est pas homme banal et sa bataille posthume mérite qu’on s’y attarde.
Je ne vous en dis pas plus. Une seule phrase encore, celle de Derville : « Toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours en-dessous de la vérité. »

Laisse le vent du soir décider, Jean-Michel Rihet (2012)

medium

Jim Curtiss, pilote vétéran des batailles du Pacifique (Midway, Guadalcanal) reste sur Hawaii à la fin du conflit. Solitaire, alcoolique et dépressif, il rachète cependant son avion avec l’intention de re-piloter. Hanté par la mort de sa femme et ses souvenirs de guerre, il sombre dans les bouges d’Alvarado Street, avant que sa rencontre avec un vieil homme, le Vieux, ne le persuade de refaire sa vie sur un archipel isolé.
Aidé par l’extravagant chef-mécano Molotov, la remise en état du Douglas sera difficile, à l’image du combat de ces hommes traumatisés pour se reconstruire.


La découverte d'une plume vivante

La découverte d’une belle âme munie d’une plume vivante capable de nous faire verser quelques larmes est toujours un événement important dans une vie.
Jean-Michel Rihet fait partie de ceux là.

Je l’ai rencontré sur le Bottin International des Professionnels du Livre et son roman « Laisse le vent du soir décider » m’a intriguée (http://jeanmichelrihet.wordpress.com/tag/roman).
Le prologue joliment tissé de mots bien choisis, lu sur son sympathique blog «Ecritoires» au détour d'une ballade numérique, un soir où je ne m’attendais pas à une telle surprise, est d’une fluidité pure et attrape au vol notre curiosité. Il est court mais nous dit quelquechose : «Encore ».

Prologue:
Je regarde la nuit au travers des hautes fenêtres d’un bâtiment bien gris et contemple mon avion qui attend, fier et tranquille. Il a belle allure avec son hélice toute neuve. Je laisse derrière moi des années d’épouvante, toutes ces horreurs, toute cette mort. Je n’emporte rien d’autre que cette vision d’un Monde-derrière-la-Mer.
Ah si, j’emmène le Vieux.

Ni une ni deux je le commande et me retrouve à attendre son arrivée, chaque soir, en ouvrant la boîte aux lettres. Je l’imagine dans les cales d’un bateau affrontant une mer déchainée ou dans la soute d’un avion traversant l’Atlantique et ses violents orages.

Premier jour… Je savais que je ne l’y trouverais pas mais j’ai comme espéré un miracle. Il me semble que c’est le moment où Jean-Michel a commencé à poster sur le Blog du Bottin ces articles illustrés de photos anciennes et composés de textes permettant de comprendre mieux la portée historique du roman.
L’envie de vivre quelques jours au côté de Jim s’est faite plus forte et, un soir, il était là ! Enfin, je pourrais aller plus loin que le prologue, découvrir les souvenirs de ce vétéran d’une Guerre qu’un jour, malheureusement, nous oublierons à force d’oublier le passé. Ce récit poignant qui nous prend à la gorge - je peux maintenant l’écrire - mouille parfois nos yeux de tristesse ou de rire. Les personnages sont attachants ; le chef-mécano et son acolyte insolite, le Vieux bien sûr et tous ceux qui gravitent autour d’eux.

Jim reprend goût à la vie au fil des pages et le lecteur découvre les raisons de l’état de son âme meurtrie.

La première partie est tout simplement magnifique, poétique même. J’ai un faible pour le chapitre qui commence à la page 43… Je ne peux résister ici à vous dévoiler quelques lignes, j’espère que Jean-Michel ne m’en voudra pas trop :
« [...] En glissant d’entre mes mains, sa robe se retrouva un instant retenue à la pointe de ses seins, étoffe mouillée de pluie, imprégnée d’elle. Elle avait le grain de peau qu’un homme n’oublie jamais, comme un sable doux et granuleux à la fois, une peau faite pour les caresses.[...] »
Les deux chapitres qui sont liés dans le roman – les lecteurs sauront desquels je parle - sont simplement parfaits. Je pourrais les relire encore et encore, et je ne m’en priverai pas !
L’action est mouvementée dans la seconde partie. De notre lit, notre chaise, de la plage au soleil ou du fauteuil auprès de la bibliothèque, nous sommes immédiatement transportés là-bas, haut dans les airs, perdus dans des torrents de mort et de feu. Je n’arrivais plus à m’arrêter.
Une vague de tristesse m’a envahie lorsque la faucheuse a emmené tous ces innocents sacrifiés sur l’autel de la folie des hommes … surtout un…
Et cette fin ! Quelle fin !
Je peux l’avouer maintenant… J’ai hâte de lire la suite !!!

Quatre autres petits extraits qui m'ont littéralement transportée:
« [...] Un royaume végétal, une lutte florale constante et bordélique, pour un bout de lumière cherchant un morceau de ciel. [...] »
« [...] Parfois, les eaux de la baie à la tombée du soir, prennent cette teinte fluorescente ; le bleu et le vert se disputent encore des restes de lumières que les vagues, au dessus de cette palette liquide, s'amusent à mélanger. [...] »
« [...] Je n'eux qu'à bouger doucement un orteil afin de faire glisser un peu le drap, juste au moment d'apercevoir, à travers des rideaux liquides aux carreaux des fenêtres, un formidable éclair comme un arbre à l'envers, dont les branches grifferaient le sommet des montagnes. [...] »
« [...] Je me retrouverai sur cette île flottante laissant derrière moi tout un pan de ma vie, qui avait contenu le meilleur de ce qu'un homme peut espérer de l'existence, mais dont il ne restait que des ruines. [...] »

A lire absolument si vous n’avez pas encore envie de vous plonger dans ce livre :
http://ventdusoir.wordpress.com (blog dédié au roman)

La métamorphose, Franz Kafka (1915)

Quatrième de couverture

Avec Kafka, le fantastique n'est plus un élément déroutant. Il devient tout naturel. Il est ressenti de l'intérieur. C'est en quoi Kafka, comme Proust, Joyce ou Céline, est une des clés de la littérature du XXe siècle.
ROGER NIMIER

Du fantastique, en toute simplicité! 
En me réveillant un matin après des rêves agités, je crus subir le sort de Gregor Samsa. Mais cette sensation n’était que le fruit des songes qui m’habitaient encore. La veille, j’avais terminé la lecture de « La Métamorphose » de Kafka. On dit souvent que nos rêves illustrent, à leur manière, les événements qui nous travaillent. Je ne sais pas si c’est vrai, mais cette nuit là j’avais rêvé d’une métamorphose et, en sueur, m’étais réveillée un peu effrayée.

Cette œuvre, courte mais intense, est intéressante et surprend. Pourtant, l’histoire est tout à fait banale, même s’il s’agit d’une nouvelle fantastique. Point de rebondissements, ni de grandes surprises. Un jour, Gregor est une bestiole répugnante, on ne sait pas pourquoi, et puis voilà.
Certains disent même que la description de l'état général de Gregor peut faire penser à la tuberculose, que Kafka porta en son sein sept années durant et qui l'emporta en 1924.

Le regard de sa famille est, à mon sens, la dimension qui doit polariser l’attention du lecteur. Si du jour au lendemain, votre moitié ou vos enfants se transformaient en autre chose, comment réagiriez-vous ?

Je trouve que la trame de l’histoire, si on lit entre les lignes, pose des questions qui sont encore d’actualité. Un enfant ou un proche qui devient, pour l’une ou l’autre raison, un étranger aux yeux des siens entraîne inévitablement une mutation des relations qui les unissent. Toute la difficulté est d’apprendre à connaître et surtout à comprendre cette nouvelle personnalité.

Les quelques pages qui composent ce petit bijou se lisent sans difficultés. On s’attache à Gregor et on finit presque par détester les autres. L’ambiance, en huit-clos dans un appartement que Kafka nous dépeint froid et sans charme, donne une dimension dramatique à cette histoire un peu triste.

Pour son originalité, sa qualité d’écriture et surtout pour la mise en mots du fantastique par Kafka, je conseille cette lecture.

L’édition que j’ai eu entre les mains comportait d’autres nouvelles. Certaines étaient pour le moins, comment dire, déroutantes. Je ne les aies d’ailleurs pas toutes lues.
Mais la Métamorphose vaut carrément le détour !

Extraits choisis

 "... son mouvement d'escarpolette." 
Escarpolette : Vieilli. Siège, planchette suspendu(e) par des cordes où l'on se balance, assis ou debout, p. ext. balançoire. Pousser l'escarpolette. Le capitaine Aimery attachait une escarpolette à deux branches basses et nous balançait tour à tour (Adam, Enf. d'Aust.,1902, p. 88) (Définition du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
"... avec ses cheveux en bataille plein du désordre de la nuit."
"Grégoire  ne sortit qu'au crépuscule d'un sommeil de plomb ressemblant à la mort."
"Elle avait l'air beaucoup plus inquiet que d'habitude."

Le noeud de vipère, Francois Mauriac (1932)

Résumé (Karla Manuele)

De la haine, de la colère, de l'aigreur : voilà tout le fiel dont dégouline le cœur du vieil homme qui meurt, et qui décrit celui-ci comme un "nœud de vipères [...] saturé de leur venin". Vingt-trois ans de haine silencieuse qui éclate dans la lettre qu'il laisse à sa famille : l'heure est venue de régler les comptes. D'accuser et de punir : vingt-trois ans plus tôt donc, il avait cru faire un mariage d'amour avec Isa, demoiselle Fondaudège, en même temps qu'il accédait enfin à la reconnaissance sociale. Mais très vite, Isa l'avait détrompé : elle avait épousé l'argent, et non l'homme. De là était née une haine permanente et indélébile : toute sa vie, il avait abominé chacun des membres de cette famille, jusqu'à ses propres enfants, qui le lui avaient bien rendu. Et à présent, il allait leur faire payer toutes ces années, en les privant de l'héritage sans lequel ils ne pourraient pas vivre.
Récit d'une vengeance, récit d'une âme noire : Mauriac nous livre une fascinante autopsie du cœur humain.

Découverte d'un auteur
(Source photo)

Dans cette œuvre qui suit les dernières années de la vie d'un vieillard, aigri, avare par passion et peu aimé par sa famille, grâce à un journal écrit pour soulager sa conscience, on est plongé dans l'esprit tortueux du narrateur. Mauriac réussit, le temps de la lecture, à nous transporter en région bordelaise, dans une demeure où les histoires de famille et les drames flottent silencieusement dans l'air.
Je ne connaissais pas la plume de Mauriac, et c'est le premier de ses livres que j'ai l'occasion d'avoir entre les mains ; une très bonne surprise, une écriture fluide, une fin originale, des personnages humainement réalistes, et puis des tournures de phrase frisant avec la perfection.
Extraits choisis:

"Je me hâtais de déplaire exprès par crainte de déplaire naturellement."
"Envier des êtres que l'on méprise, il y a dans cette honteuse passion de quoi empoisonner toute une vie."
"Tu avais d'ailleurs cette insolence de ne jamais regarder les autres, qui était une façon de les supprimer."
"...et parfois le vent imitait, dans les frondaisons, le bruit d'une averse."
"La lune, à son déclin, éclairait le plancher et les pâles fantômes de nos vêtements éparses."
"Les étoiles de l'aube palpitaient encore."
"Le silence est une facilité à laquelle je succombe toujours."
"L'épaule de collines soulevait la brume, la déchirait. Un clocher naissait du brouillard, puis l'église à son tour en sortait, comme un corps vivant."
"Vous ne pouvez imaginer ce supplice : ne rien avoir eu de la vie et ne rien attendre de la mort." (la
vieillesse)
"On ne peut tout seul garder la foi en soi-même."
"Les femmes ne se souviennent pas de ce qu'elles n'éprouvent plus."
"Il n'avait pas le sentiment de la nature parce qu'il était la nature même, confondu en elle, une de ses forces, une source vive entre les sources."
"Deux vieux époux ne se détestent jamais autant qu'ils l'imaginent."
"A travers le vitre où une mouche se cogne, je regarde les coteaux endormis."
"Vous pouvez me vomir, je n'en existe pas moins."
"Une certaine qualité de gentillesse est toujours signe de trahison."
"Nous ne savons pas ce que nous désirons, nous n'aimons pas ce que nous croyons aimer."
"La prairie est plus claire que le ciel. La terre, gorgée d'eau, fume, et les ornières, pleine de pluie, reflètent un azur trouble."
"J'ai été prisonnier pendant toute ma vie d'une passion qui ne me possédais pas. Comme un chien qui aboie à la lune, j'ai été fasciné par un reflet."
"Mais aujourd'hui, je suis un vieillard au cœur trop lent, et je regarde le dernier automne de ma vie endormir la vigne, l'engourdir de fumée et de rayons."
"Nous ne voyons que ce que nous sommes accoutumés à voir."
"Le brouillard était sonore, on entendait la plaine sans la voir."

Au secours pardon, Frédéric Beigbeder (2007)

Quatrième de couverture
Octave est de retour. L'ancien rédacteur publicitaire de 99 Francs porte désormais une chapka. Il erre dans Moscou, sous la neige et les dollars, à la recherche d'un visage parfait. Son nouveau métier ? " Talent scout ". C'est un job de rêve. Octave est payé par une agence de mannequins pour aborder les plus jolies filles du monde. " Messieurs, notre but est simple : que trois milliards de femmes aient envie de ressembler à la même. " Son problème sera de trouver laquelle. On pourrait croire que cette satire dénonce la tyrannie de la jeunesse et la dictature de la beauté. Ce n'est pas tout. Octave va à la rencontre de son Apocalypse : Lena, une adolescente de Saint-Pétersbourg, qu'il aimera pour la première et la dernière fois. Au secours pardon raconte l'histoire d'un homme qui se croit libre comme la Russie, et qui va s'apercevoir que a liberté n'existe pas

Au secours pardon, un aveu...

99 Francs était un ovni à sa sortie et, sincèrement, j'ai bien aimé ce livre, le premier que je lisais de Beigbeder.
Octave nous fait découvrir un monde que l'on ne connait pas, et autant dans la manière que dans le fond j'ai été convaincue.
Mais était-il nécessaire de le faire revenir dans un nouveau livre qui sent le réchauffé et est vraiment grotesque.
Octave en Russie, bon pourquoi pas... Mais le reste... Franchement Fred....
On aime ou on aime pas l'auteur.
D'ailleurs on peut apprécier Beigbeder parfois et se demander quelle mouche l'a piqué le lendemain...
Au secours pardon, un aveu de Frédéric pour s'excuser de la médiocrité de sa suite...
Je mets tout de même une étoile car certaines phrases valent le coup.
"Accepter la petitesse de l'homme est le début de l’intelligence" (par exemple)

Colline, Jean Giono (1929)

Quatrième de couverture:

Un débris de hameau où quatre maisons fleuries d'orchis émergent des blés drus et hauts. Ce sont les Bastides Blanches, à mi-chemin entre la plaine et le grand désert lavandier, à l'ombre des monts de Lure. C'est là que vivent douze personnes, deux ménages, plus Gagou l'innocent. Janet est le plus vieux des Bastides. Ayant longtemps regardé et écouté la nature, il a appris beaucoup de choses et connaît sans doute des secrets. Maintenant, paralysé et couché près de l'âtre, il parle sans arrêt, « ça coule comme un ruisseau », et ce qu'il dit finit par faire peur aux gens des Bastides. Puis la fontaine tarit, une petite fille tombe malade, un incendie éclate. C'en est trop ! Le responsable doit être ce vieux sorcier de Janet. Il faut le tuer ! Dans Colline, premier roman de la trilogie de Pan (Un de Baumugnes, Regain), Jean Giono, un de nos plus grands conteurs, exalte dans une langue riche et puissante les liens profonds qui lient les paysans à la nature.

Un chef d'oeuvre poétique

Tel un peintre exposant son talent, Giono nous dévoile une œuvre poétique avec ce premier roman de la trilogie de Pan (Un de Baumugnes, Regain).
La beauté des mots est présente tout au long du texte, elle envoûte le lecteur pour le plonger dans cette ambiance paysanne où le dieu des bergers d'Arcadie est secrètement à l’œuvre.
L'histoire est simple, la plume virtuose.
Gondran, Jaume, Maurras, Gagou et les autres vivent au Bastides blanches, "un débris de hameau où quatre maisons fleuries d'orchis émergent des blés drus et hauts". Un jour, le chat noir apparait et annonce une série de catastrophes qui menace leur survie. Mais qui est responsable? Ne serait-ce pas Janet, ce vieux fou à demi-mort dans son lit qui se délecte du sort que la Colline réserve aux Bastides? Il faut en finir.
Un grand moment de littérature, une écriture précise et un sens de la description digne d'un très grand homme.

Textes choisis:

".. les nues légères, tout à l'heure rosées, bleuissent doucement ; toute le poussière blanche du soleil se dépose dans une coupe de l'horizon, l'ombre de Lure monte."

"Les heures sont faites d'un grand rêve où dansent les eaux d'argent"

"Et voilà, couché devant leurs pas, le squelette du village. Ce n'est qu'un tas d'os brisés sur lequel s'acharnent le vent. Le long fleuve d'air mugit dans les maisons vides. Les ossements luisent sous la Lune. Au fond du vent, le village est immobile dans la houle marine des herbes."

"Le galet de la lune roule sur le sable du ciel".

"Leur tête est trouée par la couleur élargie des yeux et le gouffre de la bouche."

"Depuis elle pousse sa tête rouge à travers les bois et les landes, son ventre de flamme suit ; sa queue, derrière elle, bat les braises et les cendres."

"La flamme bondit comme une eau en colère."

Pas de Ebook pour cette oeuvre, en revanche j'ai trouvé une nouvelle (ici) qui doit être fort sympathique.

Qu'est ce qu'un écrivain?, Alain Duchesne & Thierry Leguay (2002)

Quatrième de couverture:

Qu'est ce qu'un écrivain?
Un écrivain est-il un homme (ou une femme) comme les autres? Oui... et non, car à partir du moment où il entre en écriture, il se trouve plongé dans un univers hors du commun. Dans ce livre très documenté, vous allez pénétrer dans les coulisses de l'exploit... littéraire. De Flaubert à Sollers, de Balzac à Sartre, vous saurez tout, tout sur les écrivains et la création littéraire. Pourquoi et pour quoi écrivent-ils? Où: bistrots, appartements, bordel? Comment: assis, debout, couchés? Sur quoi: papiers, carnets, nappes de restaurant? Mais, au-delà de l'anecdote, vous ne pourrez être que fascinés par la découverte de ce parcours semé d'embûches et de bonheurs, qui va de l'inspiration à la publication.
Un livre étonnant qui se lit comme un roman dont l'écrivain est le héros, mais aussi comme un guide pratique de l'écriture, la vraie!

Alain Duchesne et Thierry Leguay, professeurs de lettres au Mans, sont les auteurs de nombreux ouvrages très remarqués, dont la célèbre "Petite fabrique de littérature".

Une gourmandise

Alain Duchesne et Thierry Leguay aiment lire les journaux ou carnets d'écrivains, leur correspondance, et les entretiens qu'ils accordent aux différents médias.
Ces deux amoureux de la littérature tentent de dresser le portrait des écrivains qui ont marqué ce noble métier et essayent de répondre à la question "Qu'est ce qu'un écrivain?" en survolant des thématiques, somme toute, peu alambiquée:
- Lieux;
- Outils, Vêtements Fétiches;
- Le Corps;
- Drogues, Nourritures, Boissons...

Le résultat, plutôt amusant et divertissant, se lit très facilement et mérite une recommandation de lecture. J'y ai personnellement pris beaucoup de plaisir. A travers les témoignages des principaux et plus illustres intéressées (Balzac, Voltaire, Verlaine, Céline, Rimbaud, ...), les auteurs nous plongent dans un univers d'êtres torturés, malheureux souvent, compliqués d'esprit la plupart du temps.


Témoignages choisis

"L'écriture est une façon de se réfugier quelque part quand on a nulle part où aller"
Jérôme Charyn

"J'écoute le bruit de la ville,
Et prisonnier sans horizon,
Je ne vois rien qu'un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison".
Apollinaire, 1911 (en prison)

"J'ai pendant un mois, à ne pas quitter ma table, où je jette ma vie comme un alchimiste son or dans un creuset. Je travaille nuit et jour. Pas de relâche."
Honoré de Balzac, à Zulma Carraud.

"Une prétendue "misanthropie" est une nécessité vitale pour un homme de pensée, s'il veut sauver ce qu'il y a d'essentiel en lui."
Montherlant
"La cécité est un bienfait, car elle renforce les visions intérieure."
Borges 

"Marier les mots, les soupeser, en explorer les sens, est une manière de faire l'amour."
Marguerite Yourcenor

"Un écrivain sans oreille est comme un boxeur sans main gauche."
Ernest Hemingway

"Il [le titre] doit donner le ton et doit sortir de l'ouvrage logiquement comme son fumet, comme une odeur ou un parfum. Il en annonce non seulement le sujet, mais la teneur, le charme, le rythme."
Jarhandeau

"Celui qui parle de l'avenir est un coquin, c'est l'actuel qui compte. Invoquer sa postérité, c'est faire un discours aux asticots."
Louis-Ferdinand Céline

Le compte à rebours a-t-il commencé?, Albert Jacquard (2009)

"Longtemps, l'humanité a vécu en pensant qu'elle avait tout son temps, que le progrès n'en finirait pas de transformer le monde à son avantage, que les hommes seraient toujours plus performants, que l'on pouvait fabriquer indéfiniment des bombes nucléaires sans avoir à les utiliser et prélever à l'envi toutes les richesses de la planète sans jamais entamer son capital.
Cette époque est révolu. Nous savons maintenant que le temps nous est compté et qu'à force de travailler contre nous-mêmes, nours risquons de fabriquer une Terre où aucun de nous ne voudra vivre.
Dans ce livre qui ressemble à un avis de tempête, Albert Jacquard (1925 - ) passe en revue les questions à propos desquelles il est urgent de procéder à une refonte complète de nos habitudes.
Non, le pire n'est pas certain, mais nous devons nous hâter".




Déception

J'ai lu ce texte comme on va faire ses courses, sans trop y penser ou en pensant à autre chose.
Je n'ai pas l'impression d'avoir "acquis" des connaissances supplémentaires sur le sujet en m'imprégnant des propos d'Albert Jacquart.
La dimension stylistique n'était pas un objectif avoué, je ne peux donc critiquer cet aspect là. C'est écrit simplement, sans doute pour rendre le contenu accessible à tout le monde.
Mais justement, ce contenu est décevant. Beaucoup de banalités, de sujets importants effleurés, d'ébauches de solutions trop peu traitées. On sent la vision du scientifique, et même si il manque de nombreuses choses dans l'ouvrage, il peut être intéressant si on le complète par d'autres.
Et puis, il se lit en 2h.

Extrait:

"Il n'est question depuis quelques décennies que de sauver la planète. Les rencontres de chefs d'Etat ou les colloques internationaux comme les conversations en famille ou les brèves de comptoir polarisent les réflexions sur ce sauvetage présenté comme urgent. Mais n'y a-t-il pas là une erreur de terme? Est-ce bien la Terre qui est en danger?"
... ou bien est-ce l'humanité...

Fichier:Albert Jacquard - May 2009.jpg
Crédit photo: Guillaume Paumier